Ex-Libris
Scrogn | 17 février 2009Les marque-pages sont comme les clefs, la deuxième chaussette et les bonnes résolutions : ils disparaissent systématiquement au moment où l’on en a le plus besoin. Aussi,  je m’attache à traiter ces petits phares livresques comme je traite les autres membres de cette sous-catégorie exaspérante, à savoir avec une désinvolture résignée et philosophe. Je dois être la plus grande pourvoyeuse de signets du monde auprès des bibliothèques que j’ai pu fréquenter.Â
Reste à combler ce vide (que la nature a en horreur à l’instar du bouche-trou de service). Qu’y a-t-il de plus exaspérant que de relire ad nauseam les mêmes phrases alors que votre temps de lecture est d’autant plus précieux qu’il est rare ? À défaut d’avoir un marque-page classe, j’ai tendance à  me servir dans la denrée la plus répandue dans notre humble chaumière (outre les Lego), j’ai nommé les petits bouts de papier. Dingue le massacre que peuvent faire d’innocents ciseaux entre les mains sadiques d’affreux,  hallucinant cet amas de tentatives avortées d’origami, incroyable cette profusion de gribouillis infâmes ! Je suis dotée de stakhanovistes des velléité artistiques.
J’ai donc pris le parti de piocher sans vergogne dans le cimetière des chefs-d’oeuvre de ma descendance. C’est moins sexy que de vrai marque-pages mais le regret de m’en séparer en est grandement adouci. Et ce recyclage des essais artistiques calme ma conscience offusquée de mère aimante (pouf, pouf).
Je ne sais ce qu’il en est pour vous, mais personnellement, j’adore me faire du mal. Si, si ! D’abord, j’ai eu des enfants, preuve irréfutable par excellence. De surcroît, dans un souci de masochisme délectable, j’arrête ma lecture systématiquement au moment le plus crucial qui soit, histoire de savourer d’avance ma pause-bouquin prochaine. Disons que qu’il s’agit d’un moyen suffisament efficace pour moi de mener à bien et avec une diligence remarquable  des corvées que toute personne normalement constituée remetterait aux calendes grecques. Et croyez-moi, côté pensum, je m’y connais.
Ainsi récurais-je mon réfrigérateur avec une minutie toute louable, songeant avec délice la récompense qui m’attendait  sagement dans le salon. Fichtre ! L’héroine surmontera-t-elle cet abîme de vilenie qui la cernait de toute part ? Le héros va-t-il enfin se déclarer, ce sinistre idiot ? Mon bon gros bouquin roupillait au creux de mon canapé moëlleux tel un énorme chat, ronronnant à l’idée de se livrer à la caresse de ma lecture. Bercée par mes attentes littéraires, je m’acquittais de ma tâche anti-tache avec une conscience immaculée…
Et, enfin ! Enfin !  À  moi, le renforcement positif !
…
…
…
Et j’ai trouvé ceci :
Â
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J’avais oublié que le Grumpy, fin observateur, parfait caricaturiste, avait une fâcheuse propension à grossir le trait, et (surtout !) qu’il sévissait dans les pages parages….