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Temps mort (1/3)

Scrogn | 15 août 2010

Demain, je suis mort. D’aucuns diront que mon temps est inapproprié. Ça tombe bien. Je n’en ai plus devant moi.

Bien sûr, je suis un tueur et un violeur en série. De ceux qui choisissent leurs proies, qui jouent avec leur peur sombre , qui savourent la souffrance coulant de leurs veines. J’ai dégusté leur terreur, j’ai mangé leur vie, j’ai bu leur âme. Je suis un monstre. Mais un monstre qui a aimé. Et cette ultime histoire aurait pu me sauver. Mais cette société bien pensante en a décidé autrement. Pourtant, cette dernière m’a laissé faire tant de choses horribles. Si longtemps.

Entre nous, dès ma naissance, les choses se présentaient mal. Né de père inconnu, je fus placé dans une famille d’accueil très jeune. Ma génitrice ne pouvait s’occuper de moi, semble-t-il. Ai-je des frères ou des soeurs ? Je ne sais pas. Sans doute. Ma mère collectionnait les amants et les grossesses. Donc, c’est logique. Les oui-dire ont véhiculé que je n’étais pas le seul de mon espèce à avoir soif de sang et aimer tuer. Les murmures des fonds de cour ont raconté que mon père était le frère de ma mère. Pourquoi pas. Si j’en crois ce que je sais, tout ceci explique certainement que ma lignée soit tarée.

Pour mon grand malheur ou pour répondre à ma destinée, mon nouvel environnement adoptif était de ceux qui favorisent les plus bas instincts du sadisme. Chez certains, la méchanceté est un défaut. Dans ma famille d’accueil, c’était un art de vivre.

Le fils de la maison éprouvait un malin plaisir à me torturer. Aussi sec que vicieux, ce gamin aux yeux délavés, répondait difficilement à son prénom (prénom  qui m’hérisse le poil depuis), tant l’atome qui lui servait de cerveau était atrophié. Sans graisse ni muscle, Fred étais un paquet de nerfs à fleur de peau. À peine ai-je pu survivre aux jeux,  plus humiliants les uns que les autres, de mon demi-frère. Il adorait me déguiser en fille. Visiblement, il aurait préféré une soeur. Tandis que je tentais de me faire oublier, aspirant à me fondre dans un mur, il me débusquait et me frappait sans relâche pour me voir enfin réagir à sa cruauté sans nom.

La matriarche me méprisait et son troisième conjoint m’ignorait tout simplement. Je ne devais rien dire, rien faire, sous peine de voir ma belle-mère débouler avec un ceinturon frémissant à la main, l’écume bouilonnante aux lèvres et la fureur vibrant dans la prunelle.  À peine ai-je eu de quoi me nourrir certains soirs. La famille y veillait.  Quant aux coups de pieds, aux gifles, aux rossées de balai, aux volées, ceux-ci faisaient partie de mon quotidien pitoyable et m’étaient souvent servis en guise de repas. C’est certainement pourquoi j’en suis venu à avoir faim de la vie des autres.

Non pas que je rejette la totalité la faute sur ces gens mais avouez qu’il existe des terreaux plus fertiles que d’autres. Ma hargne d’être un « rien », ma colère d’être un « inexistant », ma fureur d’être un « sans cesse rejeté », ont fait de moi un assoiffé de pouvoir. Et le pouvoir suprême s’exerce sur la vie des autres.  La vie ne m’a rien donné. Je me suis servi. Alors, j’ai tué. Beaucoup.

J’avais déjà fait des fugues avant. Seulement, ma mauvaise étoile a oeuvré contre moi. Elle a fait en sorte  que je fus renvoyé systématiquement dans ma famile  d’accueil bancale. Mes yeux implorants, mes blessures pourtant visibles, n’avaient pas fait bronché les bonnes femmes, bardées de  bonne intentions, attachées à mon dossier. Mes bourreaux avaient l’excuse facile :

– Nous le considérons comme notre propre enfant. Nous faisons tout pour lui. Mais il se bagarre avec les autres, vous comprenez ? Et nous n’y pouvons rien. Il s’en prend même à notre petit Fred. C’est un jeune sauvage.

Cétait vrai, après tout. Mais j’avais de bonnes raisons.

Les dames patronnesses n’ont plongé leur regard dans mes yeux uniquement pour voir s’y refléter leurs bonnes actions futiles. Il paraît que l’oeil est le miroir de l’âme. Alouette. Lustrant leurs uniformes, badges et leur réputation de bien-pensantes, visibles pour tous, elles répliquèrent :

– Il est possible que nous fassions une visite de contrôle.

Ma famille d’accueil a eu du mal à réprimer un ricanement à ce moment. Je fis de même.

Mais le mien, lui, était teinté d’amertume.

C’est pourquoi un soir de printemps j’ai décidé de m’enfuir. Définitivement, cette fois.

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4 Responses to “Temps mort (1/3)”

  1. Cez dit :
    16 août 2010 à 7:02 am

    Vivement la suite…..mais quel talent!!!!!

  2. frogues dit :
    16 août 2010 à 9:19 am

    Toujours aussi agréable à lire. J’espère que la suite ne se fera pas trop attendre. Je m’impatiente déjà. Bonne journée

  3. Jean-Philippe dit :
    16 août 2010 à 3:37 pm

    Bon… je ne sais pas où tu nous amènes là, mais c’est très bon à date ! 😉

  4. Scrogn dit :
    26 août 2010 à 12:35 pm

    Merci pour tous vos compliments !

    La suite arrive très bientôt. Promis !

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