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Un poids sur le coeur

Scrogn | 13 janvier 2013

Les dernières choses qu’elle entendit juste avant furent un soupir plaintif et un vacarme épouvantable. Laissant tout tomber, Sophie se précipita dans la cuisine d’où provenaient ces bruits inquiétants. Elle trouva sa maman, le visage congestionné, échouée comme une énorme baleine, au beau milieu de la cuisine. Telle une adorable Méduse boursouflée, sa douce mère semblait pétrifiée, la tête couronnée de casseroles et emmêlée par de longues mèches de cheveux qui avaient jugé bon de s’échapper de son chignon.

Sophie se saisit du téléphone et appela les secours. Au bout du fil, un homme lui répondit :

 » Services des urgences, que puis-je pour vous ?  »

Elle voulut rester calme. Elle tenta vraiment. Mais la terreur l’étrangla. Elle resta sans voix.

 » Allô ? Services des urgences, que puis-je pour vous ?  »

Elle éclata alors en sanglots convulsifs.

 » Ma mère…. Ma maman…. Ma ma… Elle est par terre … Elle est.. Elle… ne respire pas. ELLE NE RESPIRE PLUS ! Je… Il faut… AU SECOURS ! »

 » Nous arrivons. Restez en ligne, s’il-vous-plaît. »

Mais elle eut peur que sa maman puisse prendre froid. Sophie lâcha le téléphone, grimpa quatre à quatre l’escalier qui menait aux chambres pour dénicher une couverture bien chaude. Celle si moelleuse quand elle se sentait mal. Celle dont sa mère avait cousue patiemment la housse, avec des bouts de chemises de papa, de ses pantalons troués aux genoux, de vieux rideaux en lambeaux, des robes gigantesques ou jupes titanesques de maman ayant rendu les armes. Un arc-en-ciel d’histoire familiale enveloppant des plumes de volatiles, vaporeuses et légères.

Dans le placard, qui sentait si bon les changements de saison, Sophie dégota le suaire confortable. Seulement, en descendant les marches en catastrophe, ses pieds jugèrent bon de s’enrouler entre eux et avec le morceau de tissu qu’elle remorquait.

« On ne court JAMAIS dans les escaliers. JAMAIS !  » tonnait immanquablement sa mère.

Sophie comprit enfin la sagesse de l’ordre maternel quand elle se vit au ralenti, débouler cul par-dessus tête la totalité de l’escalier pour d’atterrir dans le mur. À ce moment précis, elle sut qu’elle ne pouvait plus rien pour sa maman. Et qu’elle ne connaîtrait plus jamais le réconfort de ses énormes bras douillets, l’apaisement de ses flancs gigantesques, le paradis cotonneux de sa généreuse poitrine parfumée par les bons petits plats, de ses cuisses si énormes faces aux angoisses de sa fille. Sa maman était un formidable rempart armé de toute part contre les dangers de la vie.

Juste avant de sombrer dans le coma, elle eut l’horrible sentiment que son propre père était responsable de la mort de sa mère.

Papa a tué Maman.

La dispute parentale de la veille l’avait marquée. Des plaintes étouffées, des protestations murmurées, des pleurs douloureux. Juchée au sommet de l’escalier et cachée par la pénombre de sa cachette, Sophie avait senti son petit coeur se fissurer. Ses parents allaient donc se séparer ? Elle se traîna dans sa chambre pour se coucher. Et dormir pour oublier.

À ce moment précis de sa souvenance, quand sa tête eut fini de frapper les marches, les ténèbres l’enveloppèrent enfin. Comme la couverture qu’elle destinait à sa mère noyée dans une pièce nourricière. Elle ne put rejoindre sa maman perdue au milieu des casseroles. Ou elle y réussit en perdant conscience.

Sophie n’avait que quatre ans. Bientôt cinq, selon le calendrier affiché juste au-dessus d’un corps échoué, dans la cuisine.

_______________________________________________

La première chose qu’elle entendit à son réveil, furent des sanglots mal réprimés. Sophie ouvrit les yeux et devina la tête de son père, posée sur des draps rêches d’un lit qu’elle ne connaissait pas, dans une chambre inconnue pleine d’odeurs étranges, chimiques et désagréables. Mi-consciente, Sophie saisit des bribes de conversation inquiétantes :

 » Dans l’état actuel… ne rien dire… trop gros choc… Mal… Sa mère… Douloureux… Pas savoir… ».

Mais Sophie savait. Elle décida donc de replonger dans ce sommeil si facile. Pour arrêter d’avoir si mal.
_______________________________________________

Quand enfin Sophie sortit complètement de son coma, elle avait cinq ans bien passés. Ses capacités acquises depuis l’enfance avaient décidés de se mettre en veille. En attendant de meilleurs jours vraisemblablement.

Dans le centre de rééducation, le personnel responsable de son bien-être fut consolant avec presque autant de douceur que sa maman chérie. La petite fille ne voulut jamais parler de ce fameux jour où sa vie bascula. À tel point qu’elle restait cloîtrée dans un silence inquiétant lors des visites de son père. Bien vite, il comprit (ou il suivit les conseils de l’équipe médicale) qu’il ne devait pas aborder le fameux sujet, celui-là même qui pourtant les unissait. Leurs rencontres se résumaient en un monologue paternel marmonné d’un côté, d’une mine absente et détachée de l’autre.

Sophie ne voulait pas parler à celui qui avait tué sa maman, l’empoisonneur, le meurtrier de sa mère. Mais elle savait bien qu’au bout de toutes ces semaines à l’hôpital, elle devrait un jour ou l’autre rentrer à la maison et affronter toute seule le monstre.

Ce fameux moment arriva trop tôt. Blottie au fond de la voiture familiale, Sophie n’avait qu’une envie : être aspirée dans le creux sidéral de la banquette arrière. Celui qui avalait les miettes de biscuits que sa maman lui cuisinait, celui qui mangeait les petites pièces échappées de ses poches, celui qui volait les jolis cailloux ramassés lors des promenades, celui qui cachait des papiers de bonbons coupables, celui qui conservait des fragments de dessins maladroits et de mots doux. Un coffre-fort de bonheur.

L’arrivée à la demeure ne lui fît rien. Jusqu’à ce qu’elle entrevit la cuisine et l’escalier. Ces endroits lui rappelaient cruellement sa faiblesse. Elle n’avait pas pu sauver sa mère. Sans un mot, la petite fille courut s’enterrer dans sa chambre.

Les jours passèrent, tapissés d’une ambiance de mal à l’aise et de mines renfrognées. Puis les semaines s’enchaînèrent, plâtrées par une forme de routine inquiète, silencieuse. Quand l’atmosphère, rendue obèse par des mois de non-dits entre le père et sa fille, atteignit enfin un terrain neutre d’indifférence mutuelle, son père lui annonça une nouvelle sidérante :

 » Demain, je compte sur toi pour me donner un coup de main. Nous allons devoir faire le ménage de la maison en grand. C’est que nous allons bientôt avoir une magnifique visite ! Celle de ta nouvelle maman !  »

Elle en resta interdite. Comment pouvait-il se réjouir d’un évènement si contre-nature ? Il ne lui suffisait pas d’avoir tué sa douce mère ? Devait-il lui imposer en plus une inconnue ?

À cette annonce, Sophie la détesta immédiatement, cette intruse odieuse, avec toutes ses forces accumulées dans un sac de douleurs qu’elle avait enfermé dans un coffre dont la clé avait été jetée au fond de son âme.

Et quand cette créature lui fut présentée, Sophie vissa son regard au plancher. C’est qu’elle avait déjà aperçu la « chose » sortant de la voiture familiale, du haut de sa chambre. La petite fille, à genoux sur son lit, avait jaugé cette femme. Son père avait logiquement opté pour une conjointe beaucoup, beaucoup moins grosse avec des cheveux courts et ternes. Fragile. Morne. Sans saveur. Sans odeur. Sans couleur.

Devant la nouvelle venue, Sophie agrippa ses yeux et son coeur avec sa douleur. Elle réussit à murmurer un timide  » Bonsoir, Madame » avant de foncer dans sa chambre pour s’ensevelir sous ses draps. Mourir avec Maman.

Dans l’entrée, un nouveau couple discutait.

 » Elle ne comprend pas », dit l’assassin.

 » Je sais. Laisse-lui le temps de s’habituer. Je suis patiente. Elle va assimiler. Sophie est si jeune. Elle ne doit pas se souvenir de l’autre. L’autre est morte. Et je suis là. Maintenant. Pour longtemps. ».  » répondit la remplaçante.

Sophie s’endormit dans les limbes de son passé.

Sans savoir qu’à ce même instant, celle qu’elle prenait pour une immonde intruse trop maigre était sa maman.

Avec cent kilos en moins.

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Les listes des affreux cadeaux

Scrogn | 29 novembre 2012

Nous ne sommes que fin-novembre et pourtant les affreux y vont de leur liste respective pour Noël. Avant de les traiter d’emmerdeurs consommateurs précoces féroces, je me dois de préciser que l’anniversaire de deux d’entre eux tombe lors du onzième mois.

Aussi, pour sauver du temps et des petits bouts de papier semés tout au long de l’année (et qui seraient perdus grâce à mes qualités redoutables de ménagère pouf pouf), les deux aînés nous font un condensé de leurs souhaits, imités forcément par le Grumpy.

Certains résultats sont follement intéressants.

Ainsi le Crapulet réclamait un livre sur l’évolution de l’armée canadienne entre les années 1847 et 1983. Quand je lui ai demandé s’il avait des mois et de jours en tête pour préciser l’ouvrage qu’il désirait, il m’a répondu qu’il allait y réfléchir.

L’Affreux-Jojo nous a demandé (‘tention, c’est pointu) une poule VIVANTE et AVEC DES PLUMES (comment connait-il l’existence de poules sans plume ?). C’est que notre cadet voulait nourrir toute la famille avec un oeuf quotidien et lorsqu’il serait tanné de cette volaille, cette dernière servirait de dîner. À moins qu’elle ne fut bouffée par notre ménagerie féline et canine. Et pour l’hiver, pas de problème. Le placard de sa chambre aurait fait un parfait poulailler. Entre nous, il est vrai que vu les dons de rangement des affreux, la poule s’y serait sentie aussi bien que dans une porcherie.

Pour le Grumpy, la question est toute autre. Il souhaitait un nouveau jeu d’échec.

 » Mais, mon chéri, c’est que vous en avez déjà un. Et complet, qui plus est (miracle !).  »

 » Ben là, maman, il m’en faut un nouveau. J’suis trop fort aux échecs.  »

 » Ah oui ? Tu as gagné combien de fois contre tes frères, ton père et moi ?  »

 » Une fois. »

 » Pour chacun de tes adversaires ou dans l’ensemble ?  »

 » Ben euh…  »

Je l’avoue, j’ai ricané. Mon Grumpy est systématiquement renversé en moins de cinq coups.

 » Mon trésor, tu veux autre chose, alors ?  »

 » Non. J’ai changé d’idée : j’ai gagné cent fois. »

« … »

 » Contre chacun de vous. »

« … »

 » Au moins mille fois. »

 » … »

 » Donc, je veux un autre jeu d’échec.  »

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Rigor Mortis

Scrogn | 21 octobre 2012

Il était une fois un jeune homme d’une sottise affligeante. À tel point que son prénom, pourtant fort acceptable, passa de René à Reniais.

Sa mère mourut en couches. Comme ça. Bêtement. Beaucoup de gens ont dit que la malheureuse avait pressenti la piètre destinée de son rejeton.

Son père survécut à ce drame. Comme ça. Bêtement. Beaucoup de gens ont dit que le malheureux n’avait aucune idée de ce que son fils allait lui faire subir.

Ainsi « Reniais » grandit en force mais nullement en sagesse dans une charmante petite bourgade. Tout le monde se connaissait dans cette miette de pays. Et tout naturellement, ils érigèrent cet imbécile en un monument : l’idiot du village. Dans un élan d’une formidable inconscience collective, on se chargea de lui trouver un travail.

À l’âge de douze ans, Reniais fut responsable de surveiller des oeufs à éclore. Rien de compliqué. Mais Reniais voulut les couver lui-même, trouvant les poules allant gratter ça et là, parfaitement irresponsables. Des centaines d’hypothétiques poussins et de futures omelettes moururent sous le derrière fracassant et non moins chaud de leur gardien.

Le curé, à son tour, se sacrifia sur l’autel de la charité en payant un enfant de choeur, pour la première fois de l’histoire. Le jeune homme fut si investi de sa nouvelle vocation qu’en encensant l’assemblée avec trop de piété , il brûla gravement les deux premiers rangs de fidèles. Dieu merci, il s’agissait d’une messe quotidienne du matin. On ne déplora que quelques vieilles bigotes expérimentant les feux du purgatoire (ou les flammes de l’enfer) avec un peu d’avance.

Toute marrie, la communauté lui chercha un autre travail. Un agriculteur du coin l’accueillit pour l’aider à labourer son champ. En moins de deux jours, Reniais avait massacré toutes les jeunes pousses prometteuses. C’est qu’elles ressemblaient, à s’y m’éprendre, à des mauvaises herbes. Lesquelles furent miraculeusement et tendrement épargnées par Reniais.

Confiant en son sens aigu de la psychologie et de la gestion du personnel, l’épicier se proposa de former cet être rétif à tout bon sens primaire. Le brave homme entreprit de lui apprendre les ficelles du métier avec cette devise sacrée :  » Vendre à tout prix et créer des besoins ». Son protégé semblait avoir si bien assimilé ce principe qu’il se concentra sur la gestion de ses marchandises, dans l’arrière boutique. Bien sûr, Reniais finit par modeler sa propre logique. Encore une fois. Ainsi, il vendit des besoins et créa des prix des plus extravagants. Ce ne fut que lors de l’étude de sa désastreuse comptabilité que le commerçant comprit enfin les airs goguenards de certains clients, pourtant mauvais payeurs, et les mines effarées des autres (ainsi que leur brusque défection). De rage et de honte, au bord de la faillite, il renonça à son calamiteux commis.

Le conseil municipal se réunit en catastrophe et en vrac.

 » Trouvons-lui une occupation, au moins !  » tonna le maire.

 » Mais, surtout, surtout ! gardons un oeil sur lui. » fit l’épicier, premier conseiller.

 » Évitons de le mettre en contact avec quoi que ce soit de végétal.  » décréta un des agriculteur, deuxième conseiller.

 » Ou même d’animal… » soupira un autre agriculteur, sixième conseiller municipal.

 » Envoyons-le loin d’ici !  » gémit son père, effondré depuis longtemps.

 » Au moins, pour l’amour de Dieu, gardons-le loin des êtres vivants !  » supplia le curé, venu en invité, les bras encore enrubannés de bandages.

Ces dernières paroles canalisèrent les regards de l’assemblée vers le croque-mort, lequel semblait désespérément chercher de l’oeil une porte de sortie honorable vers le plafond. Devant tant de pression, il capitula. Littéralement. Une des pattes de sa chaise se rompit et le pauvre homme sembla, une main vaguement levée pour se rattraper, se porter volontaire.

Tous applaudirent. Même le prêtre qui, dans l’enthousiasme hystérique, parvint à faire voler des flocons de pansement en oubliant sa douleur.

Ce fut ainsi que Reniais devint l’aide de l’embaumeur. Ce dernier s’empressa de lui enseigner les bases du balayage. Mais comme la mémoire humaine est défaillante au bout de quelques minutes, le croque-mort lui apprit la façon de nettoyer les instruments. Puis il ne put s’empêcher de lui apprendre les rudiments de son métier.

La première cliente de Reniais fut justement une de ses victimes de l’église. Devant le cadavre flétri par les années, ravagé par les intempéries de la vie, brûlé grâce aux bons soins de l’idiot du village, le professionnel esquissa un sourire gourmand:

« Là, nous avons beaucoup de travail. Reniais, viens m’aider ».

Ce fut la première oeuvre du simple d’esprit. Et, entre nous, il s’agissait d’avantage d’un chef-d’oeuvre. Des parents lointains ou non, venus tout spécialement pour l’évènement (et surtout pour le testament), les voisines venues pour commérer commémorer et l’unique amie pour faire bonne figure (terrorisée à l’idée que le notaire ne lui réclame les nombreux articles « empruntés » à la défunte), eurent le même cri admiratif :

 » Elle semble rajeunie de vingt ans ! »

Ce qui n’était pas peu dire, puisque la défunte flirtait dangereusement avec le centenaire. Mais elle ne demeura pas moins morte pour autant.

Par la suite, le croque-mort acquit une notoriété sans précédent. Des foules de macchabées se pressèrent au seuil branlant de son commerce, telles l’armée des ombres, poussées par des familles soucieuses de leur image au travers d’un corps sans vie. Ces pompes funèbres devinrent si populaires que ses talents tentaculaires s’étendirent à plusieurs lieues à la ronde. Et les demandes les plus folles atterrirent sur les tables glacées du commerce. Le patron de Reniais, ravi d’avoir un tel prodige entre ses murs, laissa le talent du formidable apprenti prendre les rênes de son royaume plutonique.

Un mari broyé par son engin agricole ? Aucun problème. Il semblera encore plus en santé que lors de son vivant. Une épouse morte en couches ? Elle semblera plus épanouie qu’en vrai. Un grand-père gâteux ? Il semblera être un sage endormi dans sa connaissance.

Reniais faisait des miracles.

Quand le maire du village mourut, le village voulut lui ériger une statue. Et pour que le monument soit à la hauteur du défunt, on demanda à l’embaumeur si talentueux de réaliser un moulage de l’auguste tête au plus vite, le cadavre à peine refroidi. Les artistes de la sculpture pourraient ainsi faire un hommage en tout point exact au visage vénéré du premier magistrat de la ville. Après tout, il était monnaie courante à l’époque de mouler le faciès de meurtriers, pour les besoins de la science.

Alors, un maire, pensez donc !

Reniais se rendit immédiatement au domicile du défunt, à peine le dernier souffle rendu, pour réaliser l’ultime empreinte de cet homme.

L’employeur s’inquiéta en constatant le retard de son petit génie, dix heures heures après. L’idiot du village arriva enfin dans la boutique, essoufflé mais fier de lui :

« Pardon pour le retard. Je lui ai fait un moulage de plâtre. Le problème, c’est que le client s’est débattu longtemps. »

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Le voyage de noces (II)

Scrogn | 16 septembre 2012

Arrivés au manoir sous la lumière d’éclairs agressifs, au son d’un tonnerre furieux et baptisés par des trombes d’eau hystériques, le couple gravit gravement les quelques marches du perron. Devant eux, deux femmes trempées et grelottantes s’écartèrent brusquement pour leurs laisser l’accès à l’huis. Ils frappèrent à la porte, toute en majesté grâce à un magnifique heurtoir de bronze.

 » Inutile de foutre en l’air l’ambiance en utilisant la sonnette !  » fit Lyse.

 » Sinon, on ne pourra pas participer à cette mise en scène grotesque. Et on ne va pas pouvoir rigoler » répliqua Luc.

Ils ne patientèrent guère avant qu’une domestique à l’air ahuri ne vienne leurs ouvrir.

Le hall était déjà occupé par un petit groupe de personnes plus insignifiantes les unes que les autres. Un homme pourtant témoignait d’une certaine prestance. Grand, filiforme et blasé, il posa un regard distrait sur la petite assemblée bruissante. Son attention s’attarda pensivement sur Lyse et Luc. Puis frappant dans ses mains de manière impérieuse, il fit taire les murmures de son public :

 » Mesdames et messieurs, soyez les bienvenus dans ce manoir construit à la moitié du dix-neuvième siècle. Il fut remanié, agrandi et aménagé tout au long des années jusqu’à aujourd’hui pour votre confort, tout en conservant son âme. Ou « ses » âmes, devrai-je dire. »

Des rires gênés et sceptiques frémirent de part et d’autre.

 » Monsieur Gluckman le fit construire pour sa femme et ses enfants avec toutes les commodités que pouvait offrir l’époque. Autant vous dire que sa petite tribu fût ravie d’emménager ici, durant l’automne 1861. Malheureusement, la joie s’éteignit quelques mois après, avec la mort accidentelle d’Adèle, quatre ans, chutant lors d’une partie de cache-cache, du haut de ce magnifique escalier du hall principal. Beaucoup de clients ont juré avoir senti une petite main glacée agripper leur cheville sur ces marches.  »

D’un geste ample et quasiment royal, le maître de cérémonie amena son public à le suivre dans la salle de bal en prolongement du hall vers le nord, sous une verrière.

 » Ici furent donné les plus belles soirées dansantes de la région, durant les années folles. Une nuit, le 17 mars 1923, un incendie éclata au beau milieu d’une réception somptueuse. Dans la panique, certains invités ont brisé des vitres, créant ainsi un appel d’air meurtrier. Au plus près du foyer de l’incendie, cinq personnes moururent sur le coup, atrocement brûlées, dans leurs plus beaux atours. D’autres décédèrent des suites de leurs blessures. Il semblerait qu’à l’époque, les vêtements destinés à un bal costumé, non contents d’être somptueux, avaient la fâcheuse habitude de prendre feu aussi facilement qu’une alumette. Depuis, nous avons de nombreux témoignages rapportant une soudaine odeur de fumée et surtout des hurlements terrorisés à cet endroit précis.  »

Il invita l’assemblée à se concentrer vers un coin de la salle. Les ricanements furent rares. Deux femme ou trois durent même réprimer un désagréable frisson. Mais la visite continuait. L’expérience aussi. Lyse et Luc eurent un sourire arrogant.

 » Si ces Mesdames et Messieurs veulent bien me suivre dans les cuisines où l’installation du gaz fût visiblement néfaste pour quatre personnes. Ici, le 5 novembre 1936, un commis de cuisine fit exploser cette pièce en allumant sa cigarette à proximité d’une poche de cette avancée technologique. Une petite employée avait mal ou pas fermé le bec d’alimentation. Cette jeune personne, responsable par sa négligence de trois morts, rongée de remords, s’est suicidée, moins d’un mois après. Ce qui pourrait expliquer les plaques éteintes brusquement et le sentiment d’être agrippé par le col puis tiré vers l’arrière. »

Luc et Lyse se passèrent une bulle de mépris du coin des cils. Au fur et à mesure de leurs échanges, la bulle devint une balle, un ballon, une montgolfière puis un véritable zeppelin de dédain. Et sous la pression, ils éclatèrent de rire.

Un ange (ou un esprit) passa. Le maître de cérémonie ne fit que leurs lancer un regard glacial. Les jeunes mariés, à peine honteux, consentirent à regret de se tenir à carreau. Du moins, jusqu’au prochain esclaffement.

 » Nous allons maintenant monter au niveau des chambres. Assez intéressant, selon les témoignages de nos clients. Nous avons là ce que nous appelons, entre employés, « l’étage dense ». Les esprits (devrais-je dire les fantômes ?) vont et viennent à leur guise, laquelle qui semble assez envahissante.  »

Le haut de l’escalier ouvrait largement ses bras de part et d’autre sur deux corridors. Ses mains étaient largement ornées de chambres chatoyantes, plus luxueuses les unes que les autres. Chacune était sertie d’une salle de bain privée, d’un petit coin bureau et de nombreux placards pouvant recevoir plus de vêtements qu’une princesse en déplacement officiel.

 » Dans cette pièce, baptisée  » La Jaune  » par notre personnel, nous avons vu la silhouette d’un homme qui semble être angoissé par la qualité de ses services. Ainsi, ne vous étonnez pas si vous entendez, que ce soit ici ou dans le couloir, un murmure qui vous demande si tout va bien. »

Le guide désigna une autre chambre.

 » Celle-ci était, à l’origine, la nursery des enfants Gluckman. Elle fût peinte en bleu pâle, d’où son nom. On y entend des rires ou des pleurs d’enfants. Il faut dire que la gouvernante des années 1950 avait une personnalité versatile, voire psychotique. Elle cajolait les petits puis, l’instant d’après, les martyrisait avec des épingles à chapeau. Elle fut renvoyée, arrêtée et internée, la bave aux lèvres en maudissant ses anciens employeurs.  »

Ce récit ne fit ni chaud ni froid à Lyse et Luc. Le sort des animaux leurs était bien plus cher.

 » Nous réservons cette magnifique petite suite pour les nuits de noces, dit le majordome en ignorant superbement les nouveaux mariés. Nous ne pouvons pas vous assurer qu’elle vous portera chance. Un couple s’est tué accidentellement en arrivant au manoir. Il y a aussi une toute fraîchement mariée qui s’y est pendue quand son époux lui a avoué qu’il avait une maîtresse dont il était éperdument amoureux. Des objets volent et vous pourriez entendre des propos vindicatifs. »

Dans un glissement de ballet, le public s’intéressa à l’autre aile du bâtiment.

 » Dans cette chambre aux tons lilas, la fille du bâtisseur mourut alors qu’elle donnait naissance à son cinquième enfant. Ne vous étonnez donc pas si vous êtes réveillés par des hurlements de douleur. »

Lyse et Luc furent ainsi convaincus qu’ils n’auraient jamais de descendance.

« Nous avons transformé cet ancien bureau pour mieux recevoir nos hôtes. Sachez toutefois que le fils aîné de Monsieur Gluckman s’y est tiré une balle dans la tête lors du krach de 1929. Les odeurs de poudre et les gémissements de désespoir sont ainsi expliqués. »

Le guide rajusta sa veste avant d’annoncer que la visite était finie. Il invita les clients à regagner leur chambre respective et leurs souhaita une bonne nuit sans tracas.

Lyse et Luc furent très déçus de n’avoir eu aucune expérience paranormale durant leur sommeil. Dans l’auberge découverte lors de leur arrivée, ils en devisèrent amèrement en attendant qu’on daigne enfin prendre leur commande.

 » J’espère qu’ils ont changé le personnel et surtout le cuisinier  » fit Lyse.

 » J’espère qu’ils ont la même cave à vin  » souhaita Luc.

Autour d’eux, les conversations allaient de bon train :

 » Tu as entendu les rumeurs ? Le manoir est hanté plus que jamais ! La cuisinière en a parlé au voisin du cousin de mon beau-frère.  »

Les nouveaux mariés haussèrent les sourcils avec mépris. Ces dégénérés étaient, décidément, indécrottables. Mais Lyse et Luc ne purent s’empêcher de prêter l’oreille.

 » Ce coup-ci, nous avons du frais au manoir. Un jeune couple qui venait passer leur lune de miel dans le coin. Tu te souviens de l’énorme orage ? C’était cette nuit-là. Ils se sont tué en voiture, tout juste à l’entrée du manoir. Leur voiture a foncée tout droit dans le muret du parc. Selon le médecin légiste, ils avaient un taux très élevé d’alcoolémie. Ça et les conditions météorologiques, tout était réuni. On raconte même qu’ils sont venus ici, juste avant la tragédie. Tu te rends compte ?  »

Interdits, Luc et lyse se dévisagèrent.

 » Tu penses qu’ils parlent de nous ?  »

 » Je pense, je crois, je suis sûre que oui. Nous faisons quoi maintenant ? »

Et ils continuèrent de faire ce qu’ils faisaient de mieux : emmerder tout le monde.

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Le voyage de noces (I)

Scrogn | 29 août 2012

À l’unanimité, ce mariage fût le plus beau. Du moins depuis les cinq dernières années. Autant dire du siècle. Les amies de Lyse, partagées entre le vert de la jalousie et le rouge de l’excitation, après avoir longuement critiqué d’avance la cérémonie (la demoiselle d’honneur n’étant pas en reste), restèrent subjuguées par tant de féerie de mauvais goût.

Quant aux hommes, bien que leur masculinité les obligeât à rester indifférents, ils avaient reconnu, à contre-coeur, que la journée fût hautement plaisante et la soirée, une véritable réussite.

Luc, le marié, n’en attendait pas moins du sens redoutable de l’organisation « lysien ». Après tout, ils s’étaient choisis l’un et l’autre pour être parfaitement complémentaires. N’était-ce pas la définition inhérente du mariage? Lyse transcendait l’égoïsme crasse de son mari pour le rendre admirable aux yeux de la société tandis que Luc veillait à transformer l’amertume abyssale de son épouse en une qualité charitable.

Oui. En vérité, ils s’étaient bien sélectionnés. Question de survie d’une race persuadée que le monde disparaîtrait sans eux. À défaut d’avoir des enfants (quelle horreur !), ils voulaient régner en maître de la bonne pensée sur leur entourage et assénaient une fin de non-recevoir à de vagues connaissances qui avaient eu l’idiotie de leurs poser des questions. Voyons, voyons ! Pourtant, tout est si limpide ! C’est de la mauvaise foi ! Tu fais exprès de ne pas comprendre ? Tout ceci largement nappé de reniflements hautains et d’airs apitoyés, faute d’argument.

Mais ils se gardaient bien de répondre sur le fond. Certainement parce qu’ils étaient loin d’en connaitre la profondeur. Ou l’étendue.

La cérémonie en tant que telle fût courte. Très courte. Quasiment inexistante. Il ne s’agissait pas de se marier pour la vie aux yeux du monde. Juste d’une énorme mascarade pour prouver à leurs amis qu’ils avaient la fête dans le sang. Ainsi fût-il.

Luc aurait pu jurer par la suite qu’il avait été sincère lors des échanges des voeux. Tout comme celui qui se prend un coup de marteau sur les doigts. Sitôt l’impression disparue, l’envie de bricoler autre chose envahit les membres.

Lyse aurait pu jurer par la suite qu’elle avait été sincère lors des échanges des voeux. Tout comme celle qui arbore la même tenue que sa meilleure ennemie sans lui en vouloir. Sitôt la soirée terminée, en secret, l’envie d’étriper sa rivale revient au galop.

Une étincelle sans futur.

Mais ce jour-là, il fallait paraître. Uniques. Et ils le firent de façon magistrale. La robe de Lyse, sublimement indécente, avec cette pincée de classe eut l’heur d’horrifier avec admiration la partie féminine de l’assemblée. La tenue de Luc avait ce petit quelque chose de vulgaire porté avec affront. Et qui dit affront, dit à la mode et dit tout.

Bref, le spectacle fut parfait.

Et, sous une pluie de pétales de roses confites par tant fiel, ce couple partit triomphalement en direction de leur voyage de noces, non sans avoir prodigué des tonnes de conseils méprisants aux acteurs des prochains mariages. Ils étaient ainsi. Toujours prompts à emmerder le monde avec leur façon de pensée unique si immaculée.

Les invités, sincèrement soulagés, agitèrent joyeusement les mains lorsque la calèche s’élança en direction de l’hôtel du nouveau couple officiel. Au moins, la malheureuse assemblée aurait la paix pendant quelques jours. Mais tous savaient que Lyse et Luc reviendraient beaucoup trop tôt. Avec leur condescendance habituelle et leur incroyable capacité de pourrir la vie des autres.

Pour leur voyage de noces, les jeunes mariés se rendirent dans une petite bourgade réputée pour son farouche esprit écologique. En parfaite adéquation avec leur façon de voir. En avion, bien évidemment. Puis en voiture. C’était plus pratique. Ils avaient tout de même des bagages.

Ainsi, ils purent exaspérer un village entier de leur bonne parole. Une vielle dame cassée en deux par tant d’années d’efforts, eut un sermon pour s’être servi d’un tuyau d’arrosage plutôt qu’un bac de récupération d’eau de pluie. Un agriculteur dut se confesser d’avoir utiliser un tracteur plutôt qu’une faux pour son champs. Une factrice eut une pénitence pour avoir privilégié sa vielle camionnette plutôt qu’un vélo, lors de la distribution de ses dizaines de kilos de courrier. Une mère de famille de quatre jeunes enfants eut l’excommunication pour avoir pris le volant de sa voiture, à la place de l’autobus, afin d’acheter ses provisions pour une semaine.

C’est qu’ils étaient féroces, ces fanatiques de la bonne pensée.

À tel point que la propriétaire de leur maison d’hôtes finit par hurler dans son torchon et se mit à leurs chercher frénétiquement un autre point de chute. Un matin, elle eut enfin le courage de leurs suggérer l’impensable pour une commerçante: aller ailleurs. Avec une diplomatie exquise, elle leurs indiqua un magnifique et vieux manoir à moins de cent kilomètres. Un site très intéressant tant par son écrin pittoresque que par son histoire des plus « vivantes ». En effet, on affirmait avec force que cet endroit était hautement hanté.

Avec un petit sourire dédaigneux, le couple accepta de tenter cette expérience originale.

 » Nous allons démystifier cette pitoyable arnaque en une seule nuit, se disaient-ils. Et nous pourrons montrer à toute cette bande d’idiots finis qu’on ne peut pas nous berner aussi facilement. »

L’hôtesse eut la même impression de délivrance que les invités du mariage lorsque Lyse et Luc prirent enfin la route. Elle les salua avec un enthousiasme semblable aux invités du mariage et tandis qu’elle avait encore la main levée, il se mit à pleuvoir. Le ciel semblait vouloir laver la région de leur odieuse présence.

En cheminant sous une averse qui eut l’outrecuidance de devenir de plus en plus crue, les deux époux devisèrent sarcastiquement sur ce qui les attendait. Forcément, ces malheureux ne comprendront rien à la Bonne Parole que Lyse et Luc auront l’immense bonté de leurs prodiguer. Même, ces attardés y seront réfractaires. C’est qu’il était horriblement difficiles de leurs défaire de leur bon sens millénaire. N’avaient-ils pas compris, ces pauvres incultes, que leur histoire, leurs coutumes, toutes leurs petites histoires chuchotées au coin du feu, du coin de l’oeil ou au coin d’une rue faisant vibrer les tripes de villages entiers, devaient être enfin expurgées du temps d’avant. Le squelette même d’un petit coin de pays devait être démantelé.

Non. Ce qu’il leurs fallait, à ces demeurés, c’est la vérité. Du moins celle de Lyse et Luc.

En cours de route (et surtout parce que la tempête enflait), ils condescendirent à s’arrêter dans une petite auberge à quelques minutes de leur futur point de chute. Avant même d’en avoir franchi le seuil, ils décidèrent que le repas serait immangeable, le vin imbuvable, le service inexistant et les commensaux imbéciles.

Si, à la fin du repas, leur jugement n’avait pas changé sur la majorité de leurs préjugés, ils firent une entorse sur l’alcool.

 » Pas si atroce, les bouteilles de cette piquette. Quasiment potable.  » fit Luc.

 » Compte-tenu du niveau de ces pauvres gens, nous pouvons nous estimer heureux d’avoir eu un breuvage presque buvable.  » répliqua Lyse.

 » Par contre, pour le reste : quelle horreur ! »

 » Ouais. Effectivement. Mais puisque le manoir n’offre que le coucher et le petit-déjeuner, nous devrons nous contenter de cette calamiteuse cantine. »

Et tous deux de soupirer avec découragement dans l’habitacle de leur véhicule de location qui était à mille lieues de leurs attentes (d’ailleurs la préposée, en larmes, avait posé sa démission après leur passage). Mais il fallait profiter de la météo momentanément clémente pour foncer à leur site de villégiature. Les nuages semblaient déjà se rassembler au-dessus d’eux pour une autre charge rageuse et orageuse.

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