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Un professeur québécois…

Scrogn | 14 octobre 2007

Les souvenirs sont autant de petites souris dans le grenier de ma sale caboche. Ça grouille entre mes murs, ça trifouille dans mes fils électriques, ça ne dort que d’un oeil dans un recoin de mon isolation, et surtout, ça fait des petits.
Celui qui est venu parfois me chatouiller la mémoire, c’est cette affirmation trop souvent lue à mon goût : le Québec a un niveau déplorable en matière d’éducation, notamment en français. Les poils de ma réminiscence se sont dressés. Pis drette là, à part de ça. Voyons voir…
D’aussi loin que je me souvienne, et selon mes proches, j’ai toujours été une incorrigible bavarde. Si mes gros jambonneaux ont appris à me faire tenir debout fort tard, ma langue fut, hélas ! diablement précoce. J’ai hurlé, bavouillé, vocalisé, babillé, jacassé, papoté, placoté (dans l’ordre) à m’en faire exploser la glotte. Des légions de tympans y ont laissé des plumes. J’ai vite compris, qu’il n’était point dans mon intérêt d’assassiner mon public par voie orale. Un moyen beaucoup plus pernicieux me tendait les bras. L’écriture…
Aussi, ai-je appris avec une relative facilité mon alphabet icitte (t’en souviens-tu, Maman, de mon apprentissage des voyelles ? Je clamais haut et fort un beau “AAAA”, et ce que tu prenais pour un “EEEE”, n’était qu’un “euhhhhh” tâtonnant…). J’ai découvert avec délices les consonnes, puis les syllabes. J’ai affronté l’orthographe et j’ai croisé le fer avec la grammaire, dans l’arène essentiellement publique de mes écoles québécoises. Je me suis jetée à corps perdu dans cette bataille. À coups de moyens mnémotechniques, à coups de règles stratégiquement apprises par coeur, à coups de pages de dictionnaire, à coups de tonnes de livres dévorés, j’ai peut-être remporté certaines batailles, mais pas toutes. Ça, non. Et surtout, je n’ai pas gagné la guerre. Ça, encore moins. Ma langue, c’est comme une récompense : il faut la mériter. Et tous les jours, s’il-vous-plaît.
Mais dans mon combat, je n’était pas seule. J’ai été guidée, stimulée, poussée, encouragée par mon entourage. Voilà. Le terme est lâché. Mon entourage… Cette nébuleuse est peuplée de personnages disparates qui forment un “tout” uniforme. Ce “tout” est une pizza toute-garnie. Mais j’ai horreur de trier :j’ai gardé le bon et ce que je n’ai pas aimé. Ce “tout” fait partie de ma vie. Mieux, ce “tout” a fait ce que je suis.
Des professeurs par exemple. Non pas que j’ai aimé tous ceux québécois, non pas que j’ai détesté tous ceux français. Mais il en est un d’icitte qui m’a bien eue. Et qui doit en rire encore. Un sacré personnage. Jugez-en plutôt…

Monsieur René (vous me pardonnerez de ne point dévoiler son nom de famille) aurait eu sa place au “Super Bowl”. Pas dans les gradins. Sur le terrain… Car, sous son costume veston-cravate-pantalon, il donnait l’impression d’avoir perpétuellement greffée sur le torse, la panoplie parfaite d’un joueur de football (“football américain” pour les non-canadiens), tant ses épaules étaient larges.  Mais ce qui me frappa le plus chez ce colosse, ce n’était pas tant sa stature incroyable mais sa figure. Figurez-vous que cet homme possédait ce petit quelque chose qui allait définitivement ravir la mordue de littérature que j’étais et que je demeure. Sa tête ! Un chef-d’oeuvre sorti tout droit de mes lectures de l’époque. Monsieur René avait la tête idéale du “Hercule Poirot” que je m’étais façonnée. L’assemblage “corps/tête” pourrait paraître incongru. Il me ravit. Qui peut se vanter d’avoir eu un tel  personnage de roman comme professeur ?
Monsieur René… Une chevelure sombre et aussi plate que les règle de grammaire, dont la disposition parfaite semblait braver toute les lois physiques de notre redoutable blizzard hivernal.  Une sublime moustache cirée avec soin, dont les fières pointes nous embrochaient l’esprit. Un regard qui parlait. Un regard redoutable. Un regard surprenant. Monsieur René n’élevait jamais la voix. Ses yeux, si. Vous pensiez que son attention était éteinte, derrière ses verres à peine fumés, et vous receviez des éclairs. Vous vous croyiez à l’abri de la foudre et vous la receviez par un seul clin d’oeil. Même les éléments les plus perturbateurs de ma classe l’avaient compris. À la place d’un “hey !” (traduisible selon la langue du pays)  pour le moins bovin, un silence gêné allait lamentablement à l’assaut du regard si expressif de notre professeur… et bien sûr perdait devant ce dernier.
J’aurais dû me méfier. Il n’en fût rien.
A cette époque, j’avais eu la mauvaise idée de briller en volley-ball. Ma professeure d’éducation physique en fût sidérée. Je ne fis pas mieux. Aussi, me suis-je retrouvée capitaine d’équipe, brisant ainsi la longue, longue, longue coutume qui me laissait, misérable, sur le banc des joueurs et assistant pour la énième fois à une conversation des plus cruelles :
– Prends-la, c’est moi qui me suis dévoué, la dernière fois !
– Hey ! Minute ! Mon équipe est déjà plus faible que la tienne !
Cette fois-ci, je tenais les rênes avec une volonté de revanche féroce. Mon équipe pulvérisait les autres à la grande inquiétude de ma professeure de sport. Pour rééquilibrer les forces, elle fût mon adversaire. Je ne pense pas avoir été aussi proche d’elle que lors de ce smash, au sommet du filet. Mon majeur de la main droite ne résista pas à notre combat.
Cette fracture m’ouvrait un boulevard, que dis-je, une véritable autoroute de paresse. Plus de prise de note, plus de devoir, plus d’interrogation. La belle vie, quoi !
À ma grande honte, je dois vous avouer que j’en ai usé voire abusé…  Certains professeurs en furent dupes. Hélas ( et heureusement), pas Monsieur René.

Ainsi, à la fin d’un cours, il me retint et nous eûmes une conversation orale et par les cils.
– Tu ne m’as pas rendu le travail de rédaction que j’avais demandé. Tu sais ? L’histoire que vous deviez inventer ? (Et ça me déçoit)
– C’est que je ne peux pas écrire à cause de ma fracture. (Une bonne excuse, non ?)
– Je comprends bien. C’est arrivé quand, au juste ? (N’en sois pas si sûre)
– Euh… Avant-hier, mardi. (Effectivement. Je sens que je me piège moi-même)
– Ce travail est programmé depuis deux semaines. Tu devais me le rendre hier, mercredi. ( Je connais déjà ta réponse. Je suis un enseignant qui a de l’expérience)
– Euh… J’avais fait un brouillon, mais je n’ai pas pu le mettre au propre. (Je m’enfonce, non ?)
– Vraiment ? Bien ! Alors, dicte-moi ton travail de mémoire… (Voyons voir jusqu’où tu vas aller…)
– D’accord… ( Je relève le défi ! Mais ai-je le choix ?)
– Mettons-nous au travail, dans ce cas (Non, tu n’as pas le choix. Mais cette situation nous amuse, n’est-ce pas ?)
Je me suis alors lancée dans la plus grand improvisation de ma vie. Les yeux de Monsieur René n’ont pas cessé de rire à gorge déployée (?) durant toute ma prestation. De manière tacite, il donnait la permission d’inventer, de créer, de rêver… Je venais de comprendre qu’il ne s’agissait pas seulement d’une langue mais d’une formidable musique dans laquelle chaque note compte. J’ai saisi que les règles si arides de notre langue étaient autant de bijoux sur notre francophonie. Je me suis sentie riche, si riche…
Quelques jours après, Monsieur René m’alpaguait, l’air de rien. Un concours était lancé par un ministère quelconque. Il fallait rédiger une nouvelle sur le braconnage. Le braconnage ? Je n’y connaissais rien. “Et tu n’avais absolument pas préparé ton dernier devoir en français”, me télégraphia son regard.
Je ne sais pas s’il a appris les résultats de ce concours. Une chose est sûre c’est que, s’il en a eu connaissance, ses lunettes ont rigolé. Il avait gagné.
« On ne force pas une curiosité, on l’éveille. » a dit Daniel Pennac. Mon professeur, lui, l’a provoquée, à l’instar d’autres enseignants que j’ai eu au Québec. Des noms et des visages me frappent de plein fouet. N’ayez crainte, je ne vous ai pas oubliés.  Je sais ce que je vous dois, à vous tous, chers fantômes du passé qui guidez mes pas du présent et dictez mes chansons d’aujourd’hui.
Quant à vous, Monsieur René, je ne vous l’ai peut-être pas dit à l’époque mais aujourd’hui, je vous l’écris : merci. Merci pour ça… Merci pour tout…

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Histoire d’eaux

Scrogn | 10 juillet 2007

Il y a quelques rencontres Yulblog de cela, alors que je m’accrochais vaillamment au comptoir, je disais à quelqu’un de très apprécié de par chez nous :

– tsèkechpeuhètrromantikossi, glouglouglou, hips…

Traduction en langage non-éthylique :

– Sais-tu que je peux faire preuve de romantisme dans mes écrits, de temps à autre ? Hummm ! Fameux, ce breuvage ! 

Réponse du-dit copain :

– MOUHAHAHAHAHAHAHAHAHAHA !

Traduction en langage non-éthylique :

– MOUHAHAHAHAHAHAHAHAHAHA !

Vous me direz que beaucoup de bière est passée sous les ponts et dans mon gosier, depuis.

C’est vrai.

Mais comme j’adore amasser ces petites choses pour les sortir quand ça m’arrange (demandez à Guinness)… 

Puisque, surtout, mon tapotage frénétique de clavier n’a pas retrouvé toute sa dextérité (relative), que mes occupations ménagères me bouffent vingt fois plus de temps qu’à l’accoutumée (une main, c’est bien – deux, c’est mieux) et que, par conséquent, mon placotage en souffre, voici un texte écrit, il y a plus d’un an, pour un site qui m’a donné ma chance…

HISTOIRE D’EAUX

Bizarre comme le hasard fait bien les choses, des fois… Je suis à peine installée dans la voiture de location, ce 26 avril 2006, qu’une chanson envahie l’habitacle… Pas n’importe quelle chanson… Une chanson qui semble écrite rien que pour moué (Ma Doué béniguet, quel orgueil !), et qui passe à la radio rien que pour moué… Ariane Moffat semble chantonner mon vécu : “je reviens à Montréal, la tête gonflée de nuages”… Je ferme les yeux et je revois tout…

Je me revois dire un dernier adieu à notre maison, vénérable vieille dame de 150 ans en pierres apparentes, vendue à deux sinistres pinailleurs. Je me revois contempler, le coeur serré, les yeux embués, le peu de poussière qui reste de notre vie en France, en me disant qu’il s’en fallut de peu pour que nous la secouions de nos sandales.. Mais il reste nos amis, qu’on a l’impression d’abandonner lâchement mais dont l’affection indéfectible nous a porté dans nos projets… Je me revois caresser machinalement le petit être tapie dans mes flancs, comme pour le rassurer sur notre avenir. ”Tout ira bien, tout ira bien”. Mais à qui m’adressais-je ?

Puis cette soirée d’adieux chez nos copains, dignement arrosée du fruit de la vigne et du travail des hommes . Ces silences au beau milieu des rires, lorsque la nostalgie profite lâchement de la marée montante des souvenirs. Ô Temps ! Suspends ton vol… Cette nuit presque blanche à écouter la respiration de Guinness, et à demander “tu dors ?”. Eh bien non, lui non plus ne dort pas… Puis ce petit déjeuner pris à la va-vite, le copain qui embarque le mari, les bestioles et nos bagages dans une fourgonnette déglinguée.
– Vous me retrouvez à l’aéroport à midi, sans faute, hein ?
Comme si j’allais arriver en retard pour notre nouvelle vie…
La copine qui se désole toute seule devant ses placards : “je n’ai rien pour vous faire un pique-nique…” T’inquiète, va ! Les séparations de ce type ont tendance à vous combler l’estomac en délestant un peu notre vie.

Les enfants tapis à l’arrière de la voiture, se chamaillant sans grande conviction, les jointures de l’amie trop blanches sur le volant et moi qui laisse planer un regard presque surpris sur ces paysages que je pensais connaître.

Je revois, dans la hall de l’aéroport, la montagne de bagages qui dissimule la moitié de ma moitié. Le regard suspicieux de la digne représentante de notre compagnie aérienne, qui darde mon nombril et me demande : “c’est pour bientôt ?” C’est dingue ce que j’ai envie de répondre en regardant ma montre “J’sais pas, deux ou trois heures…”, juste pour entendre l’éclat de rire de ma cohorte… Mais non, voyons… L’heure est grave. J’arbore mon sourire le plus niais qui soit, en déclarant , faussement ingénue : “dans 2 mois !”. Ah, ben v’là que je me rajeunis de 3 semaines…

Et puis vient ce moment que je redoutais tant. Un simple “au-revoir”, quelques promesses, des tas de “merci” et, bien évidemment, un torrent de larmes que mon engueulade intérieure ne peut réprimer… L’amie s’éloigne, les épaules trop affaissées à mon goût. J’ai encore raté ma sortie…

Notre voyage devait se faire en 2 étapes, via Paris. Le grand dadais (toutou de son état) et la serpillière noire (matou pour les vétérinaires), nous suivent en parallèle, sur un vol de fret. Pour être franche, la première partie de notre voyage m’a laissé que peu de souvenirs, juste un petit goût salé d’embruns lacrymaux aux coins des lèvres. Les enfants sont vaguement déçus d’être dans un petit “n-avion”. Mais l’hôtesse ne tarde pas à les consoler et les ramener à des choses plus terre-à-terre, grâce à une petite collation… dont une partie finira sur le sol, une dans l’estomac jamais rassasié de nos deux petits monstres, et la dernière enfoncée dans les anciens cendriers des fauteuils, au nom de la science. (“je peux mettre ça là, maman ?”-“non, tu ne peux pas.”- scroutch !-“ben si ! Regarde, je peux : ça rentre !”). Il était écrit que j’allais passer l’atterrissage, les mains crispées sur ces foutus cendriers, afin de cacher l’irréparable outrage aux yeux de l’hôtesse….

A Paris, notre escale fut courte et échevelée. Pensez donc ! Réussir à acheter parfum/produits-pas-bon -pour-la-santé, aller une dernière fois AUX toiletteS en une heure sans perdre les héritiers et l’héritage…
Re-décollage… Une fois encore je me dis, agrippée aux accoudoirs de mon fauteuil de gros “n-avion”, que je vais accoucher en plein vol, qu’il y a un candidat au suicide altruiste dans l’appareil, qu’il y aura un problème technique, que… Vous ai-je déjà avoué que je suis, dans ces conditions, d’un naturel foncièrement optimiste ? Nan ? J’me demande bien pourquoi…

Je n’avais jamais remarqué qu’on mangeait tant et si souvent dans les avions. Bah ! Ça occupe… Et dans mon action de grâce, je n’omettrai pas de bénir cent fois l’inventeur des écrans de télé incrustés dans les sièges. Les moufflets ont été d’une sagesse exemplaire. Ce qui s’appelle “acheter la paix sociale”…

La fin du vol approche. Je me tords le cou pour apercevoir au travers du hublot, le paysage tant espéré. Et là, comme mus par une bonté soudaine, les nuages s’écartent pour m’offrir une vue magnifique de l’Oratoire Saint-Joseph. “Bonjour, me revoilà, comme promis…” A la tête ahurie de mes voisins, je comprends que des larmes coulent le long de mes joues. Je profite lâchement du dernier passage de l’hôtesse pour m’essuyer sur sa jupe. Je pense mettre mise à dos toute cette profession. Définitivement.

Dorval (je ne me ferai jamais à l’autre nom…) est noir de monde. Devant les douanes, le long serpentin des arrivants ondule paresseusement. Je suis épuisée. Les formalités pour Guinness se feront sans moi. Après tout, les marmots et moi sommes de respectables (!) citoyens canadiens.

Bien sûr, il fallait qu’une partie de nos bagages échoue piteusement dans un coin. Ils étaient repérables, en plus, les trois énormes cartons-scothés-de-toutes- parts-par-un-puissant-soutien… Allez, zou ! On vogue vers le dernier sésame pour faire tamponner notre liste d’affaires. Un vrai jeu de piste avec tout plein de tampons, gros-castor-grincheux sera content. Puis, enfin, on se retrouve dans le hall de l’aéroport. Ma copine d’enfance doit être là, à m’attendre depuis des heures. La pauvre… Je lui avais pourtant bien dit que nous serions retardés par les formalités… Mais elle, avec son entêtement si touchant, n’avait eu de cesse de me répéter : “Je veux vous voir atterrir”.

Je la reconnais immédiatement. Elle m’avait fait l’amitié de ne pas changer après toutes ces années. Je referme mes bras autour de son cou et j’enfouie mon visage dans ses cheveux pour cacher une nouvelle fontaine de larmes. Bigre ! Je ne pensais pas qu’il m’en resterait après tous ces épanchements. Je suis pleine de “re-sources”…

Ma merveilleuse amie est venue avec son auto-wagon pour y charger le grand dadais et sa serpillière. Une chance, la voiture de location est trop petite pour tout y caser. Elle part avec Guinness pour récupérer les clés de notre véhicule et avancer son char.

Je reste plantée là avec les enfants, mon gros bide et mon sac à main bourré de papiers officiels. Je tends l’oreille pour me replonger dans la musique de mon enfance. J’ai presque envie de m’y noyer, tant je suis ivre de bonheur et de fatigue.

Mais enfin, au loin, je repère le dos large et rassurant de Guinness. “Ralliez-vous à mon panache blanc”, disait l’autre. Aussi je me mets à pourfendre la foule, le ventre en prou, notre survie en bandoulière et les deux enfants en remorque. Hardi, les gars ! Souquez ferme ! Nous arriverons bientôt à bon port…chez nous…

En format original, je rentre à Montréal…

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Lettre à nos petits-enfants : notre immigration franco-québécoise

Scrogn | 5 février 2007

Mes très chers petits enfants,

Lorsque vous tomberez sur ces quelques feuilles…

– C’est quoi, des feuilles ?

– C’est ce qui tombe des arbres en automne

– Mais non, dans l’ancien temps, c’était un support pour écrire… et qui poussait sur les arbres…

– Ah ! taisez-vous, les morveux ! Grand-M’man va encore s’enfarger dans son histoire.

– …Hum, hum !

Je disais donc, lorsque vous tomberez sur quelques mots (ça va, là ?), vous serez peut-être éparpillés aux quatre coins du monde ou, au contraire, vous serez tous agglutinés les uns aux autres, allez savoir. Vous aurez peut-être la bougeotte comme vos arrière-grands-parents, comme vos grands-parents, comme certains de vos parents, sans doute. C’est une histoire de famille, une affaire de génétique, certainement.

Seulement, avec votre grand-père, la donne s’est quand même emmêlée les pinceaux. Vos bisaïeuls découvraient, tous les deux, la Belle Province. On appelle ça l’égalité dans un couple. Pour nous, c’était un peu plus compliqué. J’avais triché, pour ainsi dire, vu que je connaissais le sujet avant même l’examen de l’immigration. Pensez donc ! J’y avais déjà vécu un bon bout de temps ! Tandis que Grand-P’pa…

– Grands-Pas ? Comme dans la trilogie de Tolkien ?

– Dame oui, mon mignon, car il fit un saut prodigieux pour aller de l’autre côté de la flaque, après quelques sautillements en France, mais c’était pour mieux prendre son caribou… ou son élan… Tandis que Grand-P’pa, lui, il ne connaissait pas grand’chose du Québec. Quoi que, j’exagère. Il avait été largement tanné par vos arrière-grands-parents. Il a même eu droit à une séance surréaliste d’une télé-série de mon enfance : « Le temps d’une paix ».

– « Le temps d’une paix ? » Grand-M’man, késsékssa mange en hiver, c’t’affaire-là ?

– Hum, hum… Mange donc tes ‘tites patates, mon Ti’Coune.

Fallait voir son air ahuri tandis que mes parents et moi étions crampés ben raide… Je pensais avoir définitivement assassiné sa curiosité. Que je pensais… Mais c’était sans compter sur l’opiniâtreté de mon bonhomme et ses petites questions traîtresses : Raconte-moi comment c’était, au Québec… Ah ! Ça ! Il m’a bien eu, le ‘tit maudit ! L’air de rien, il se renseignait tout en brassant mes entrailles et en ouvrant tout grand les écoutilles de mon coeur… Dès le début de notre mariage, Grand-P’pa me fit cette promesse solennelle : « Un jour, je t’emmènerai en vacances au Québec. Tu pourras revoir tous les endroits où tu as vécu ». Mais alors qu’il s’attendait à une explosion de reconnaissance échevelée, un festival de gratitude éperdue, il se heurta à un refus catégorique et aussi sec que du bon saucisson : « Surtout pas !  » Il en resta baba, mon pauvre homme. Pis, vu qu’il me restait encore un semblant de pitié, j’ai cru bon de me justifier. (si vous êtes passé à côté du désopilant jeu de mot, allez directement sur la case « prison » sans passer par la case « départ »)

Quand les hommes disent que les femmes sont compliquées comme c’est pas permis, ben, ils n’ont pas tout à fait tort. (Si vous répétez ça à Grand-P’pa, je vous coupe les oreilles !). J’avais deux bonnes raisons pour ne pas remettre le début d’un orteil dans mon pays. Non, pas « bonnes raisons ». Disons deux hypothèses antinomiques. Pis elles se disputaient comme des chats devant une belle minette.

D’abord, j’avais trop peur d’être déçue. Et si la réalité faisait mentir ma mémoire ? Allais-je renoncer à mes doux moments de rêverie ? Les bons souvenirs, c’est comme l’arnica : ça sert pour les coups durs, ça calme, ça apaise, c’est réconfortant. Alors, si tout mon passé enrubanné et pomponné s’effondrait d’un coup… Vous souvenez-vous du jour fatidique où l’on vous a appris que le Père Noël n’existait pas ? (Mais qu’est-ce que vous avez à brailler de même, les morveux ?)

Mais pire encore que d’être désenvoûtée, je ne voulais pas prendre le risque de retomber en amour avec mon pays. J’avais une trouille immense de m’y sentir à nouveau chez moi, avec mes chums et mes gentils fantômes de l’époque. Et si c’était comme je le pensais ? Comment revenir alors en France ? Comment continuer à y vivre ? Déjà que, avec mon maudit caractère, vivre avec moi n’est pas une sinécure (Qui a dit « oui », hum, hum ?), alors si en plus, je devenais une droguée en manque de sa CAM*, euh… du Québec ! Vous imaginez l’enfer ? (Qui a dit « non », hum, hum ?).

Bref, je souffrais du syndrome du « je-me-souviens-mais-je-ne-veux-pas-savoir ».

J’ai tout de même fait une concession. Nous nous sommes rendus, comme à un pèlerinage, à la Délégation Générale du Québec en 1999.

– Quoi ! Au siècle dernier ? Au millénaire dernier ?

– Hey! Ça va faire, les morveux ! Hum, hum…

On en est ressorti tout chose. Il fallait prendre en considération les légions de « mais » dont on nous avait abreuvés. Toutefois, avec une bonne préparation, de la prudence et un brin de folie, l’immigration demeurait faisable.

Quelques mois après, nous avons eu une opportunité pour enfin fuir Paris et nous installer à Bordeaux. Mais, de temps en temps, dans nos conversations, le Québec ressurgissait comme une vieille cicatrice qui démange. Mon homme ne semblait pas avoir abandonné l’idée de fouler un jour le sol de ma Belle Province. Tout doucement, j’ai compris qu’en se mariant avec moi, il avait épousé, plus ou moins, mon cher pays. Bien sûr, « la fiancée » n’était pas parfaite (Oui, tu as raison, mon affreux : Grand-M’man aussi a tout plein de défauts…), mais il avait appris à aimer le Québec à travers et malgré moi, pour ainsi dire.

Moi, je continuais à m’accrocher à mon refus comme une bernique sur son rocher, à freiner des quatre fers

– Les berniques ont des fers ?

– C’était une image, mon ‘tit niaiseux…

…et décourager Grand-P’pa …qui ne se décourageait pas pantoute, lui.

Faut dire que mon entêtement avait un petit quelque chose d’illogique. Mon pays me manquait visiblement et je savais que Grand-P’pa avait toutes les qualités qui, à mon sens, pouvaient faire de son immigration une belle réussite.

À force d’aller à hue et à dia, vos grands-parents ont fait comme les élastiques qu’on lâche brusquement. Chboing ! Ils se sont retrouvés drette au milieu : « On part ?' »- « Oui, on part' »…

– Dis, Grand-M’man, il ne serait pas plus juste de dire que c’est toi qui as craqué, non ?

– Tais-toi, mon morveux, on n’interrompt pas les personnes âgées comme moé, hum, hum !

Il faut dire que la situation professionnelle de mon bonhomme n’était pas franchement au beau fixe. Pire ! De nombreux plans sociaux avaient été mis en place, suite aux innombrables délocalisations en Inde ou en Biélorussie et à la centralisation qui en découlait. Déjà, ses supérieurs envisageaient de le renvoyer sur Paris. Quelle horreur ! C’était peut-être la goutte d’eau qui a fait déborder la cuve. Fait que, on s’est dit qu’on avait plus grand’chose à perdre.

J’ai refusé de parrainer mon homme. Il fallait que la procédure parte de lui. C’est par la paperasse que je pouvais mesurer la motivation du chéri. Situation on ne peut plus confortable pour le reste de la tribu puisque les enfants et moi avions la double nationalité. Aussi, Grand-P’pa est-il parti, tout seul comme un grand, dans sa quête du Saint-Graal. Oh ! J’ai quand même suivi sa procédure, mais de loin. Pas une éminence grise, pas un ange gardien, juste une petite veilleuse. Je me souviens encore que c’est moi qui ait reçu la fameuse brune… et qui l’ait ouverte… Ce n’est pas gentil, hein, d’ouvrir les cadeaux des autres ?

On est donc arrivé, toute la gang, à Montréal, le 26 avril 2006, et pis après…

Et pis après ? T’as perdu ta langue, Grand-M’man ? Non, elle n’a pas perdu sa langue, Grand-M’man. Elle s’est perdue tout court, une fois de plus, dans ses souvenirs du passé et dans ceux du futur qu’elle n’a pas encore vécus.

* : CAM (Carte Autobus-Métro) pour la ville de Montréal

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Genèse

Scrogn | 17 décembre 2006

GENÈSE

J’ai vu le jour en pleine nuit (!) un certain 6 janvier 1973, fête des rois, quelque part en Normandie. Autant vous dire que mon sang breton ne fit qu’un tour (voire même moins), mais le reste de ma personne ne sembla pas plus mal s’en porter.

Je fus la première fille de mes parents, un brouillon pour ainsi dire au regard de mes deux soeurs qui me furent échues par la suite. Ma naissance laissa mon grand frère (l’éternel brouillon) complètement indifférent.

Mes parents n’avaient aucune velléité d’immigration à cette époque. Seulement la vie, cette grande rigolote, devait s’ennuyer ferme un beau jour pour provoquer l’occasion d’une telle aventure. Et surtout pour leur insuffler un je-ne-sais-quoi d’inconscience.

Ainsi, mon père, alors tout jeune docteur en psychologie, avait eu la mauvaise idée d’envoyer balader le folklore viennois pour se convertir à des thérapies beaucoup plus pragmatiques et efficaces. Seulement, en tournant le dos aux théories psychanalytiques et psychanalysantes, il se retrouva nez-à-nez avec des portes fermées. Son directeur de thèse, déterminé à aider son poulain, lui conseilla d’aller lorgner de l’autre côté de la flaque d’eau. Mais l’Amérique du Nord, c’est vaste…

Les États-Unis ou le Canada anglophone ? Bof. La barrière de la langue était un handicap qu’il ne fallait pas négliger, d’autant plus que Maman n’éprouvait que peu d’attraits pour l’apprentissage des langues étrangères (petit défaut qui semble se transmettre de génération en génération si j’en crois ma nullité fort brillante dans ces matières). Va donc pour le Québec ! Or ni ma mère ni mon père n’avaient la moindre connaissance de la Belle Province. Maman s’était toujours demandé d’ailleurs pourquoi diable l’école l’avait tant tannée pour qu’elle apprenne qu’Ottawa est la capitale du Canada, alors le Québec, vous pensez bien !

Les démarches d’immigration furent bouclées très rapidement. Le Québec avait un besoin urgent de jeunes psychologues. Tout fut vendu, à l’exception de quelques meubles breton (of course !), résistants et solides, comme ils le prouvèrent par la suite, en bravant de multiples déménagements. Ma tribu (composée d’un papa aux allures d’adolescent, d’une maman mignonne à croquer, vaguement inquiète des envies d’épopée de son bonhomme, d’un petit garçon âgé de 5 ans, d’un bout de fillette pavanant avec ses 2 ans et d’un bébé de 6 mois), débarqua donc durant l’été 1975 pour le Québec.

Papa décrocha en quelques jours un travail de psychologue à Carillon, près de Lachute, dans l’Outaouais. Mes parents louèrent une petite ferme à Saint-Placide. Une belle bâtisse de briques rouges, truffée de courants d’air, trônant avec une étable et des garages, jolis petits vassaux dans le paysage, au sommet d’une petite colline surplombant le lac.

Mes parents furent très bien accueillis par la communauté. Dame ! Il s’agissait de LA famille d’immigrants du village… Maman se souvient encore que lors de leur première tempête de neige, nous avions reçu un nombre impressionnant de coups de téléphone : les habitants du village voulaient savoir comment nous vivions cette prime manifestation sérieuse de l’hiver canadien et s’assuraient que tout se passait bien pour nous…

Papa et Maman adorèrent cette saison, dès la première année. Pourtant, ils firent le dur apprentissage de certaines règles essentielles. Ainsi, un jour de grand froid, mon père descendit notre chemin pour aller relever le courrier. Seulement, la boîte aux lettres fut réticente, et il eut le malheureux réflexe de retirer ses gants afin d’en dompter l’ouverture. Vous devinez la suite : il se colla (au sens littéral du terme) les doigts au métal givré. Je ne sus jamais comment il s’était tiré de cette position délicate, avant le dégel…

Je passerai sous silence la maison que firent construire mes parents à Lachute. En revoyant les photos de celle-ci, toute once de morosité s’envole de mon esprit. Chers parents, je vous prie de me pardonner, mais mon Dieu qu’elle était laide !

Par la suite, l’organisme pour lequel mon père travaillait, fut vendu à l’État. Papa avait été l’ardent défenseur de son indépendance. Mais il s’agissait d’une cause perdue. Pourtant ce revers fut tout à l’honneur de mon père. Lorsque les instituts Anbar tombèrent entre les mains publiques, l’adversaire devint recruteur. L’auteur de mes jours, grâce à son esprit combatif et le sérieux de son travail, se vit proposer un poste important au sein de l’organisme, à Montréal. Nous y migrâmes donc, dans le quartier de Notre-Dame-de-Grâce. Nous y vécûmes pendant un peu plus de 6 ans.

Notre première demeure fut la maison jaune, appelée ainsi du fait de ses volets couleur jonquille. J’y fis mes débuts dans le système scolaire, en classe de maternelle et par la même occasion, mon entrée dans le monde en tant que citoyenne canadienne.

Notre maisonnette s’avéra très vite trop petite pour notre gang. Adorable mais décidément minuscule. Nous déménageâmes donc dans la partie orientale de notre quartier, dans une maison aux délicieux relents « so british », entée d’un porche typique de cette partie montréalaise. J’y ai vécu des années formidables, de véritables années d’aventure.

Comme nous grandissions, mes parents pensèrent qu’il était temps, pour nous les filles, d’avoir notre propre chambre. Ils firent alors construire une maison à Candiac, sur la rive sud de Montréal. Je peux comprendre que certaines personnes aiment ce genre de nouvelles villes coquettes mais, personnellement, je ne leur trouve aucun charme. Je n’aime pas le parfait et j’ai besoin d’histoire. Mon jeune esprit jugeait mon environnement épouvantablement aseptisé, monochrome et morne. Soyons juste : je n’y fut pas désespérée, loin s’en faut ! Mais tout cela n’avait plus la même saveur, la même intensité. Je trouvais alors un heureux échappatoire en multipliant les activités de tout poil, qui hélas ! me passionnèrent toutes.

Ce déménagement fut certainement « l’accelerando » de notre retour en France. Mes parents ont toujours voulu que nous ayons le choix de notre avenir, qu’il devienne français ou qu’il reste québécois, voire même qu’il opte pour un autre pays dans le monde. Ils pensèrent alors que le meilleur moyen de nous ouvrir les portes du monde avait pour sésame une formation française. Ils ne pouvaient pas savoir que j’allais justement choisir la voie la plus restrictive qui soit : le droit.

Nous sommes donc revenus en France, vers la fin de ma quinzième année. C’est à cette époque que mes ennuis commencèrent. Comprenons-nous bien. Je ne suis pas retournée dans mon pays d’origine, j’y ai véritablement émigré.

En fouinant ici et là, j’ai cru comprendre que nombre d’immigrants voulait connaître les distinctions du Québec eu égard à leur pays de départ. Beaucoup de chroniqueurs d’Immigrer.com ont établi avec brio les particularités que vous rencontrerez ici. Pour ma part je pense m’engouffrer gaiement dans le créneau qu’ils m’ont laissé. Aussi, il sera souvent question dans mes propos des différences que j’ai pu observer, voire subies en arrivant en France. J’espère que vous verrez ainsi le choc qui peut vous attendre en venant vous établir, vous, dans ma belle Province. Je vous parlerai aussi de ma vie ici, bien entendu. Par contre, je vous épargnerai tout le côté administratif et paperasses. Je n’ai aucun talent pour vous les exposer de façon digeste, et mes collègues du site ont déjà fait preuve d’une maestria établie à ce sujet.

Voilà. Je pense vous avoir à peu près planté le décor.

Oh ! Un dernier mot avant de vous quitter pour cette première bafouille : mes parents ne se sont jamais fait traités de maudits français… Ou plutôt si. Une fois. Mon père en fit les frais. Il avait devant lui une odieuse gamine qui, tremblante de rage devant une manifestation de son autorité, n’avait rien trouvé de plus malin, de lui murmurer, pleine de rancoeur : « maudit français ». Cette affreuse petite peste, pas même âgée de 3 ans, c’était moi.

Sa propre fille.

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